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Déjà un peu plus d'un an que nous sommes rentrés. Il nous a bien fallu tout ce
temps pour nous remettre de nos émotions et retrouver notre rythme terrien. Et
encore…
Le retour, ce n'est pas la partie la plus facile du voyage, du moins dans la
tête. Lorsqu'on a préparé et vécu un tel projet pendant 8 ans, qu'on a passé
pendant quelques années la majeure partie de ses moments libres au chantier, et
le reste du temps l'esprit tourné vers les lagons, ça fait un vide quand tout est
terminé.
Petit retour en arrière:
Les premières semaines, les premiers mois, on était très content de revoir la
famille, les amis, de raconter bons et mauvais moments et de montrer nos photos,
même si il fallait souvent répéter les même choses. On a aussi apprécié de
retrouver les plaisirs de la table, autre forme de convivialité, surtout au
moment des fêtes.
On a retrouvé avec plaisir notre maison dans son petit coin de campagne, et
heureusement qu'on ne s'est pas réinstallés au retour dans un grand immeuble
en ville.
Et puis il a fallu reprendre le travail en septembre, le rythme et la répétition
des horaires, des taches… Retrouver le même bureau, les même collègues, aller
manger tous les midi à la cantine, à coté de la découverte quotidienne qui a été
notre vie sur le bateau, cela a un petit goût de retour en arrière pas très
stimulant.
La météo joue aussi sur le moral, les premiers froids, les longues périodes de
temps gris et humide, Et comme par hasard, de vielles douleurs de dos et
d'épaule se sont réveillées, alors que pendant 2 ans elles ne se sont pas
manifestées.
Les enfants avaient envie de revoir les copains et surtout de retrouver des
jeunes de leur age, ce qui leur avait manqué un peu pendant 2 ans. A la rentrée
de septembre ils ont eu l'air de retourner a l'école comme si il ne s'était rien
passé, et ils parlaient très peu du voyage autour d'eux, comme pour ne pas se
faire remarquer.
Mais on s'est rendu compte au bout de quelques semaines, après avoir rencontré
les professeurs, que ce n'était pas si simple. La professeur de géographie de
Sylvain nous a dit qu'au début il avait l'air d'un "martien" dans la classe. Quant
à Florian, ses premiers résultats scolaires ont montré qu'il ne pouvait pas
suivre en 3ème et qu'il valait mieux qu'il reprenne des bases en 4ème. Il etait
d'ailleurs plus à l'aise avec les jeunes de cette classe qu'avec ses anciens
copains d'avant le départ qui ont évolué différemment et avec les quels il ne se
reconnaissait plus.
La deuxième rentrée s'est déroulée plus facilement, le pli est repris. Pour eux,
la page est plus facilement tournée, et ils ont maintenant repris le cours de la
vie comme si de rien n'était ou presque. Il leur faudra encore quelques années
avant de digérer le voyage et que ce qu'ils ont vu et ressenti revienne leur
donner des envies d'autre chose.
On essaye de trouver des moyens de prolonger le voyage, en faisant quelques
conférences, en éditant un calendrier, un carnet de voyage, en écrivant des
articles dans des revues, textes qui serviront peut-être de base à un livre en
cours de rédaction. L'écriture est un moyen de réfléchir et de remettre ses idées
en place.
Le site, même si il est moins régulièrement alimenté, est encore consulté par 30
à 50 personnes par jour, ce qui nous étonne toujours.
Heureusement aussi, grâce à Internet et à Skype, on a des nouvelles régulières de
Mateo dont des copains s'occupent, avec de temps en temps une photo. On a hâte de
retourner le voir…
On a aussi des nouvelles de ceux qu'on a rencontré en cours de route, ceux qui
en bateau continuent la route, ceux qui rentrent quelques mois et qu'on revoie en
France et ceux qui nous ont accueillis en cours de voyage (voir page de liens
"Copains Voyageurs").
Globalement, on ressent une insatisfaction latente, reflet de notre société: la
surconsommation, la multiplicité des possibilités d'agir, créent, à l'inverse de
la simplicité de notre vie pendant 2 ans, un sentiment d'inachevé et de manque.
Retrouver simplement le quotidien a du mal a nous satisfaire, même si on essaye
de garder un peu du rythme zen et de la convivialité que l'on a tant apprécié. Ce
qui nous manque le plus, plus que les beaux paysages, plus que les eaux chaudes
et transparentes, ce sont les rencontres, leur diversité, leur imprévu et leur
spontanéité.
Le retour se vit un peu en fait comme un deuil, et comme tout deuil il faut que
le temps fasse son oeuvre. C'est le deuil d'une période de bonheur, d'autant plus
idéalisé avec le recul, le deuil d'une liberté. Sans compter les questions
existentielles que l'on peut se poser après 20 ans de vie commune, et qui ont
été mises en sourdine lorsqu'on était pris par nos différents projets,
activités,… Même si c'est le lot de nombre de couples, elles ressurgissent avec
plus de force maintenant.
Faudra-t-il redémarrer un nouveau projet pour être pleinement heureux? On se
cherche pour l'instant, c'est le moment de faire le point sur la vie qu'on mène
et celle qu'on veut mener dans les années à venir, pour nous et nos enfants.
En attendant de pouvoir aller retrouver Mateo, ce qui est prévu pour l'été
prochain, on s'occupe de notre maison, et on essaye de l'améliorer pour vivre
dans des conditions plus écologiques, et ainsi préserver la planète et les
beautés qu'on en a vu pendant le voyage. Quand on a vécu de façon très autonome
en bateau, on se dit qu'à terre on peut faire aussi des efforts. On vient
d'installer une batterie de panneaux solaires sur le toit de la maison: comme sur
Mateo ils produisent une partie de notre électricité, même si cet été le soleil
n'a pas été très généreux.
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