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Le bateau et le matériel
Le bateau se comporte bien dans l'ensemble. A part un enfournement par mer forte
entre Fiji et Calédonie, il nous a toujours paru rassurant et la structure n'a pas
bougé en 2 ans. En voyage, la charge est importante, et la finesse des coques fait
que si il est trop chargé c'est l'avant qui s'enfonce le plus, ce qui explique
notre enfournement. L'architecte nous a proposé de rajouter un bulbe sous
l'étrave pour corriger ce souci.
Juste avant d'arriver à Tahiti, une des barres en bois s'est brisée sous un grain
: elle était déjà un peu fendue, mais on avait tardé à faire la réparation.
Heureusement sur un catamaran il y a 2 barres et on peut manœuvrer avec une
seule pour rentrer au port.
L'usure de la grand-voile au point de frottement des lattes sur les haubans
s'est accentuée et il a fallu faire refaire les fourreaux et restratifier des
lattes à Tahiti.
En carénant à Raïatea on a eu la surprise de voir que les dérives étaient
attaquées par des tarets, ce petit ver des mer chaudes qui creuse des galeries
dans le bois et fut la cause de naufrages du temps de la marine à voile. La
stratification légère des dérives s'est fissurée en laissant le passage vers
le bois. Les dérives sont en lattes d'épicéa, ce bois n'est pas résistant aux
attaques. Il a fallu ôter les lattes atteintes, les changer et refaire la
stratification. Il aurait été plus judicieux de faire les dérives en composite
CP/mousse/époxy, elles auraient été plus légère et inattaquables par les
parasites.
En arrivant à Nouméa, le 2ème inverseur donne des signes de faiblesses comme
celui qui nous a lâché au Portugal. Nous n'aurons pas le temps de faire faire
la réparation avant de rentrer.
Dans le Pacifique, les lieux pour réparer un bateau, et encore plus pour sortir
un catamaran comme Mateo, ne sont pas nombreux. Et il vaut mieux avoir à bord
son stock de pièces de rechange car sinon il faut les faire venir ce qui peut
être long et très cher.
Autre souci matériel, notre appareil photo numérique a pris une vague en
débarquant en annexe aux Marquises. Cela ne lui a pas plu et nous avons du
nous en passer pendant quelques temps en attendant que des amis nous en
rapportent un de France: dommage, car aux Tuamotu nous avons du ressortir un
appareil à pellicule mais vu le prix des photos la-bas il a fallu se freiner
pour les prises de vues!
La vie en famille
Nos questions existentielles de la fin de la première année nous ont beaucoup
moins préoccupé l'esprit. La richesse des contacts et la beauté des paysages du
Pacifique nous ont comblé. Et comme le choix de traverser Panama avait été
assumé, nous avons vécu de grands moments de bonheur.
Nous avons passé des périodes ancrés dans des endroits déserts et magnifiques,
ou devant de petits villages où nous étions le seul bateau ou presque ce qui
facilitait les contacts avec les habitants.
Nous n'avons jamais eu l'impression de nous ennuyer, et les journées étaient
bien remplies. Le temps nous a même manqué pour certaines activités que nous
aurions aimé pratiquer (musique, aquarelle, …)
S'offrir ainsi un break et voyager en famille c'est de nos jours un luxe
exceptionnel. Pris dans le rythme travail-études-activités, chacun vit un peu
sa vie dans son coin et on se retrouve sans s'en rendre compte au moment où
les enfants quittent le nid familial. Même si ce n'est pas toujours facile de
vivre 24h/24 avec ses moussaillons dans un espace réduit comme un bateau, cela
apporte une proximité, une complicité et une vraie vie familiale que nous
n'aurions jamais pu goûter en restant à terre. Et cela n'a pas de prix, lorsqu'on
le compare à la morosité, au catastrophisme et à l'individualisme que l'on
retrouve au retour.
Les enfants
Eux aussi ont eu leur période de blues en fin de première année. La visite de
copains d'école de leur age en Equateur, et le périple que nous avons fait à
terre ensemble leur a permis de retrouver leurs repères et de se sentir mieux.
Les nombreux mouillages dans des lagons enchanteurs propices aux baignades et
autres jeux d'eau, les balades à terre sur des motus déserts, les plongées
pour aller voir les poissons, toutes ces activités leur ont assurément bien plu.
Reste toujours les soucis de l'école, mais on s'est dit que comme leur passage
en classe supérieure était assuré en fin de première année, si ils perdaient la
deuxième cela ne serait pas bien grave.
Par rapport à la première année, les contacts avec des enfants sur d'autres
bateaux ont été bien moins fréquents, nous étions très peu nombreux à naviguer
ainsi en famille dans le Pacifique. A part dans les grands centres, à Tahiti et
Nouméa, où certains équipages s'arrêtent pour que leurs enfants puissent
réintégrer le système scolaire. Heureusement à terre les contacts se font
facilement et ils ont pu trouver au gré des différentes escales des enfants
de leur age. Parfois envahissants comme à Ahe aux Tuamotus, où on venait les
chercher tous les jours, du matin à 7h à la tombée de la nuit.
L'école
Toujours aussi prenant, les cours ont été encore un sujet de prise de tête à
bord.
Nous avons du commencer l'année scolaire sans les supports de cours du Cned,
que nous devions recevoir aux Marquises. Du fait d'une réinscription un peu
tardive et vu la lenteur du courrier en Polynésie, ils ne sont arrivés que
vers la mi-octobre, ce qui nous a obligés à resserrer le planning des devoirs :
2 semaines entre chaque série au lieu de 3, c'est bien court. Petit à petit,
nous avons pris l'habitude d'alléger le programme en concentrant les cours sur
ce qui était utile au devoir suivant. Florian ne faisant pas d'effort pour
être dans les temps, ce sera à chaque fois une course contre la montre. En fin
d'année, il n'enverra pas les 2 dernières séries, la décision de passage ayant
déjà été prise.
Plus de musique non plus pour Florian dans cette deuxième année. Le temps et la
motivation ne sont plus là. Les rares fois où il sortira la flûte c'est pour
jouer avec d'autres jeunes musiciens.
Encore un grand merci à Marie-Odile, notre correspondante Cned, pour le travail
qu'elle a effectué.
Les visites a bord
Elles ont été moins nombreuses qu'aux Antilles mais nous en avons eu quand même
quelques unes. D'abord en Equateur, avec Angèle et ses 2 garçons qui sont venus
faire une virée dans la Cordillère avec nous. Du fait de notre retard, nous
avons raté un autre rendez-vous en Equateur avec Bertrand, le frère de Joelle,
qui est reparti au moment ou nous arrivions. Pas évident de fixer des rendez-vous
quand on voyage.
A Tahiti, nous avons embarqué Chrystèle et Olivier avec lesquels nous avons
fait un tour de l'île de Moorea très agréable.
A Raiatea, Cathy et sa petite famille, collègue expatriée de Tahiti, ont
embarqué pour une petite semaine: nous étions 9 a bord, dont 5 enfants,
l'ambiance était très bonne . Ce fut des vacances pour tous, parents et
enfants (il faut dire que le Cned avait été suspendu pendant ces quelques
jours !). A chaque fois nous étions contents d'accueillir du monde à bord,
de partager le bonheur de la vie que nous menions, et aussi d'ouvrir le
cercle familial, ce qui avait toujours un effet bénéfique sur l'ambiance.
Les escales
Elles ont été très diversifiées au cours de cette année.
Nous avons commencé cette deuxième partie du voyage par une halte sur le
continent sud-américain et un grand tour à terre, en montant jusqu'à 5000 m
d'altitude, ce qui nous a changé de la mer. Les Galápagos ensuite nous ont
apporté un dépaysement total par les paysages et la faune qui s'y trouvent.
Le Pacifique est vaste, et il est impossible de faire toutes les îles. La
Polynésie Française à elle seule recouvre une surface grande comme l'Europe.
Le choix se fait souvent en fonction des possibilités de mouillage abrité et
de la météo.
Nous avons choisi de laisser de coté l'escale prévue aux Gambier, ce qui
nous aurait fait faire un détour de 1000 milles avant de rejoindre les
Marquises, et dans des conditions météo moins agréables.
La saison cyclonique, de novembre à mars nous a obligé à adapter le
trajet: pour minimiser les risques nous avons attendu jusqu'à fin mars
en Polynésie Française avant d'aller plus à l'ouest. Pour cette raison
la dernière partie du périple a été plus rapide et certains endroits
(Cook, Tonga) juste effleurés. Mais cela nous a aussi permis de passer
7 mois en Polynésie et de bien en explorer les différents archipels.
Les rencontres avec d'autres voyageurs
Par rapport à l'Atlantique, les occasions ont été bien moins nombreuses.
Aux Galápagos, un bateau qui nous avait suivi par notre site est venu nous
saluer et nous avons sympathisé. Nous avons aussi parcouru une bonne partie
des Marquises et des Tuamotu avec un autre catamaran, mené par un couple
retraité français.
A Tahiti, nous avons rencontré 2 familles qui naviguaient avec de grands
enfants, et avec qui nous avons d'ailleurs passé le réveillon du 1er de l'An,.
Nous avons aussi rencontré plus d'étrangers qu'au cours de la première année,
des norvégiens, des américains, un sud-africain, des néo-zélandais …
Nous avons sympathisé avec une famille américaine aux Marquises et les avons
retrouvé avec plaisir aux Fiji.
Le plus souvent ce sont des couples retraités qui naviguent en faisant des
allers-retours entre leur bateau et la France. Et parfois des jeunes couples,
qui ont tout quitté et travaillent en cours de route, comme l'équipage de
"Shiga" que nous avions connu aux Antilles et que nous avons retrouvé à
Raïatea où il sont employés dans une société de charter.
Les rencontres à terre
Nous avons passé les 3/4 de l'année dans des territoires français ce qui a
facilité les échanges du fait de la langue commune.
Les rencontres sont un grand bonheur dans le Pacifique: la gentillesse, la
décontraction, la spontanéité, et la curiosité des habitants font partie de
la culture. Ici tout le monde se tutoie, on ne peut pas débarquer à terre
sans rencontrer et parler avec quelqu'un. Il est d'ailleurs très incorrect
de ne pas saluer et discuter avec les gens que l'on croise!
Lorsqu'on débarque en bateau dans une île, on est toujours bien reçu, et
notre aventure en famille devait attirer la sympathie.
Dans certains lieux comme sur l'île de Tahaa, il est difficile de se
promener à pied sur une route: toutes les voitures s'arrêtent pour vous
proposer de vous emmener. Au bout de la 3ème on cédait et on acceptait de
monter.
Parfois certains atolls sont tellement isolés que leurs habitants ne voient
personne pendant des semaines voire des mois. Dans ces cas-la on est tout
de suite bien reçus, surtout si on a quelques fruits frais à offrir !
Dans plusieurs endroits nous avions des contacts avant d'arriver, et à
chaque fois nous avons été particulièrement bien accueillis. On nous invitait,
nous promenait, nous faisait connaître la famille, et on nous facilitait
la vie. Tous ces contacts furent chaleureux et continuent encore à distance
pour certains.
L'accueil des collègues des centres Ifremer de Tahiti et Nouméa a aussi été très agréable et nous a permis de mieux connaître la vie dans ces régions.
Les communications
Situation très contrastée dans le Pacifique: si certains endroits comme
l'Equateur, les grands centres aux Fiji, sont très bien pourvus en cybercafés
et à un coût très faible (1 $ l'heure parfois moins en Equateur et à Panama),
ce n'est pas le cas des territoires français: un seul endroit avec cybercafé
aux Marquises, quasiment rien aux Tuamotu, tandis qu'à Tahiti ils sont surtout
à Papeete et dans quelques lieux touristiques et coûtent 5 à 8 € de l'heure.
Le téléphone satellite nous a donc été très utile dans ces endroits isolés et
pendant les traversées, pour envoyer nos nouvelles, recevoir nos messages que
le webmaster nous compilait et recevoir des fichiers météo.
Le site Internet
Nous avons continué tout au long de l'année à envoyer de courtes nouvelles
à un rythme hebdomadaire. De façon moins régulière, les récits plus complets
décrivaient en détail les régions et les escales que nous y avons faites. Nos
photos ont été particulièrement appréciées, et ont souvent servi de fonds
d'écrans ...
Même si on recevait moins de courrier des copains de France que la première
année, on a continué à correspondre avec quelques équipages connus en
Atlantique, avec des gens rencontrés au gré des escales et aussi avec des
inconnus qui consultaient notre site. La liste des destinataires de nos
nouvelles compte 240 abonnés, ce qui n'est pas rien et plusieurs dizaines
de consultations du site ont lieu chaque jour, en provenance de France
principalement, mais aussi d'Amérique du Nord et de différents pays
francophones.
La navigation
Le pilote automatique a constamment barré le bateau, même dans les mers fortes
que nous avons eu entre Polynésie et Fiji. Si il avait fallu barrer à la main
dans ces conditions cela aurait pu être galère.
Dans ces endroits, les cartes électroniques ne sont pas d'une fiabilité
parfaite, avec des décalages de position, des récifs mal définis, et il
faut encore moins qu'ailleurs faire une confiance absolue à la technique.
Beaucoup de prudence donc, on navigue principalement à vue en particulier
dans les lagons. Le balisage est quasi inexistant, à part dans les
principales îles de Polynésie Française, et les passes sont souvent
balisées avec de simples piquets à peine visibles. Et quand il existe
le balisage est parfois étonnant: en Polynésie il s'inverse brutalement
entre la passe et le chenal du lagon !
Pour entrer dans les atolls, il faut bien calculer l'heure des marées, pour
profiter de l'étale du courant, et essayer d'avoir les conditions les plus
favorables, soleil dans le dos et pas de nuages pour bien repérer les
couleurs: bleu foncé pas de souci, bleu clair le fond n'est pas loin,
brun attention corail, et blanc on peut poser l'ancre dans le sable !
Les mouillages peuvent être très ventés dans le Pacifique où nous avons
du essuyer des grains forts, des rotations rapides du vent ( en quelques
heures il peut faire le tour du cadran). Il vaut mieux avoir du bon
matériel: notre ancre Océane 16 kg était remarquable pour le mouillage
dans le sable des lagons et n'a jamais bronché, même avec des grains qui
ont parfois dépassé 50 nœuds ...
Les finances
La vie est chère dans le Pacifique, mais cela dépend aussi du style de vie qu'on
y mène: les fruits sont abondants et gratuits aux Marquises, le poisson se
trouve facilement et les produits de base (farine, riz, sucre, huile …) sont
subventionnés et coûtent moins cher qu'en métropole. Mais, à moins de les
fabriquer à partir de lait en poudre, on ne mange pas de yaourts tous les
jours !
On a fait quelques écarts à la période des Fêtes de Noël où nous étions à
Tahiti et on a pu se faire plaisir avec des produits importés, pas bon marché …
Il n'y a quasiment pas de marinas donc ce genre de dépense est limité. Il
n'y a qu'à Tahiti que nous nous sommes arrêtes 3 jours pour réparation: à
58 euros par jour, on n'y séjourne pas longtemps.
Nous avions bien fait d'emporter pièces de rechange et tout ce qu'il faut
pour bricoler et réparer (bois, résine, tissu de verre): l'approvisionnement
local est très faible et horriblement cher !
Les grosses dépenses au cours de cette année:
- le carénage à Raïatea (environ 360 euros pour 4 jours à terre)
- le remplacement de notre appareil photo numérique
Et bien sur les billets d'avion pour le retour et les frais d'expédition de
nos affaires par la Poste.
Nous avons du nous restreindre pour l'achat d'artisanat local, souvent
tentant: les sculptures, les bijoux sont superbes mais hors de prix. Dans
quelques endroits, le troc nous a permis d'acquérir quelques jolies pièces.
Vous pouvez voir notre budget détaillé à la rubrique
Bilan Financier.
La santé
Des petits bobos mais pas de gros pépins: problèmes intestinaux en Equateur
où l'eau et l'hygiène laissent à désirer.
Aux Marquises le capitaine a du aller faire un tour a l'hôpital pour de
petites plaies infectées qui traînaient. Un traitement antibiotique a été
prescrit car le climat chaud et humide est propice aux staphylocoques.
Les problèmes les plus désagréables dans ces îles sont les moustiques et
les nonos (petites mouches à peine visibles): au retour d'une balade en
foret, Joëlle est rentrée avec plus de 200 boutons dans le dos! Il ne faut
surtout pas gratter car il y a risque d'infection et le mieux est d'utiliser
l'huile de Tamanu, un remède calmant local.
La nourriture
Le gros stock que nous avons fait à Panama et en Equateur nous a été bien
utile: pendant 6 mois nous avons vécu en grande partie dessus avant
d'atteindre Tahiti où on peut se ravitailler mais à des prix nettement
moins intéressants.
Pour les fruits, les Marquises sont un vrai plaisir: on n'a pas acheté
de fruits pendant 1 mois et demi, les habitants nous les offraient:
bananes, papayes, mangues, pamplemousses énormes et succulents,
caramboles. Aux Tuamotu par contre aucun fruit, on avait fait un stock
avant de quitter les Marquises qui a aussi servi à faire du troc.
Avoir un frigo est indispensable: on peut avoir du frais même en mer
pendant près d'une semaine pour la viande, les produits laitiers et
les boissons. Le notre était un peu trop petit (35 litres seulement)
et on y ajouterait bien un petit congélateur.
On a fait de belles pêches en naviguant entre les îles, aux Marquises,
aux Fiji, des coryphènes, tazards ou thonidés de taille respectable
(plus d'1 m) qui nous donnaient 3 jours de nourriture. Dans les lagons,
on faisait très attention aux risques de ciguatera donc on ne pêchait
que si on était sur de l'absence de cette toxine dans le coin.
Dans certains endroits les pêcheurs offrent leur poisson, ou le vendent
si peu cher qu'il n'y a pas vraiment besoin de se fatiguer!
La cuisine du Pacifique est très cosmopolite vu les influences
chinoises, indiennes, européennes.. Riz, lait de coco et poisson
en sont les bases, les épices sont variées sans être fortes (pas de
piment comme aux Antilles). Nous avons découvert et consommé souvent
du poisson cru avec beaucoup de régal.
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