Arrivée à Colon
Mateo est paré
Entrée dans l'écluse de Gatun
Repas après les émotions
Le pilote et le skipper
un super géant dans le canal
Miraflores. Le dernier sas
Champagne pour le Pacifique
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Mais cela fait presque une semaine que nous sommes là et il faut y aller. La route
vers Colon et l'entrée du canal est courte, quelques heures seulement. Nous ancrons
avec une dizaine d'autres voiliers au mouillage des Flats, la zone d'attente pour les
voiliers. Ce n'est plus la pleine saison pour le passage des voiliers qui a plutôt
lieu en février-mars et les délais de passage sont plus courts (5 jours en moyenne
au lieu de 2 à 3 semaines parfois !).
Dès le lendemain nous commençons les démarches. Le pied à peine posé sur le ponton
du Panama Yacht Club, un chauffeur de taxi nous saute dessus pour nous orienter vers
le bureau de l'immigration: heureusement, nous avons appris par d'autres bateaux que
c'était un moyen de nous taxer 10 dollars par personne alors que nos formalités
d'entrée ont déjà été faites aux San Blas. Il nous propose aussi de nous guider dans
les démarches, pour 10 dollars de l'heure, alors qu'ici une course en taxi coûte 1
dollar. Mais le plaisancier est ici aussi la vache à lait, d'autant que certains
américains déboursent sans discuter leurs dollars. Quelques instants plus tard,
curieusement, c'est l'agent de l'immigration qui vient contrôler nos passeports, en
règle heureusement.
Nous faisons tout de suite connaissance avec Henri et Sylvette sur leur trimaran
Rayon Vert, un superbe Pulsar 50, bateau de course-croisière très technique, qu'Henry
a construit lui-même en deux ans au fin fond de l'Ardèche! Arrivés depuis plusieurs
jours ils nous expliquent ce qu'il faut faire ou éviter de faire pour ne pas se faire
avoir !
A notre deuxième débarquement au ponton, c'est une agent des Douanes qui nous hèle,
et il faut remplir un nouveau formulaire, et fournir quelques photocopies, sans payer
heureusement.
La ville de Colon a la réputation d'être peu sûre, et c'est en taxi qu'on fait tous
nos déplacements: administratifs, ravitaillement,… Il n'y a que la rue
principale, en face du Yacht Club ou nous nous promenons sans risques, de jour
uniquement. Certaines rues transversales semblent en effet peu fréquentables. Au
mouillage et dans l'enceinte du Yacht Club, il n'y a rien à craindre. La zone de
mouillage est éloignée de la ville et on est content d'avoir un moteur d'annexe pour
débarquer au ponton du Yacht Club.
Pour les formalités du Canal, la première chose est de se rendre au bureau des agents
mesureurs pour demander la visite à bord (auparavant cette démarche pouvait se faire
par téléphone, ce n'est plus possible maintenant). L'agent vient dès le lendemain:
celui qui vient sur Mateo ne devait pas embarquer souvent car il hésite à enjamber
les filières et demande illico que l'on fasse une ouverture pour l'embarquement du
pilote! Il prend rapidement les mesures du bateau, vérifie la présence de WC, demande
que l'on ait une corne de brume à gaz, et regarde vaguement les amarres, ce qui
devrait être le plus important, d'autant que nous n'en avons que 3 réglementaires à
bord au lieu de 4. Mais il faut surtout prévoir un bon repas chaud et de l'eau non
décapsulée pour le pilote….
Ensuite, rendez-vous est fixé au bar du Yacht Club pour une heure de remplissage de
papiers et de recommandations diverses, pendant que monsieur mange son sandwich-Coca! A
la question fatidique "marchez-vous à 8 nœuds" il faut répondre "oui" sous peine
de se faire taxer un supplément. Curieusement, un chauffeur de taxi est déjà la pour
nous proposer une corne de brume, à 22 dollars !
Le lendemain, nouvelle démarche, à la City Bank cette fois, pour régler le passage de
600 dollars et la caution de 850 dollars. Là encore ce n'est pas simple: la carte Visa
seule est acceptée, mais pour un retrait de cash et non comme paiement, et du fait de
la limite de retrait de la Visa, on ne peut pas payer avec! Après avoir contacté notre
conseiller bancaire en France sans trouver de solution, il nous faut donc aller dans
une autre banque faire des retraits avec nos deux cartes, la Visa et une Mastercard,
puis compléter avec des travellers chèques pour réussir à réunir enfin la somme. Rien
n'est fait ici pour simplifier la vie des plaisanciers qui veulent passer le Canal, on
dirait même que c'est le contraire. Il faut dire que les cargos qui transitent par
cinquantaine chaque jour sont meilleurs clients que nous !
Dès que le règlement est effectué, nous téléphonons pour connaître la date de notre
passage qui sera fixé 48 heures plus tard.
Dans le même temps, nous cherchons des équipiers pour nous aider car il faut être 5 à
bord en plus du pilote: le barreur et 4 "handliners", les teneurs d'amarres. Après
avoir espéré la participation de Gérard et Christine, qui finalement se désistent, il
nous faut trouver du monde rapidement. On commence à s'inquiéter, car le temps presse,
mais en parlant autour de nous, nous trouvons en quelques heures plus de monde qu'il
nous faut. Ray et Burny, des américains d'Alaska, viennent d'arriver sur leur bateau
Whisper et cherchent un embarquement; nous les connaissons déjà pour les avoir
rencontrés à Coco Bandero aux San Blas. Un équipage néo-zélandais cherche aussi un
passage pour se faire la main et deux des équipiers, Peter et Will, viendront nous
prêter main forte.
Pendant ce temps, Joëlle s'est embauchée sur Rayon Vert, dont un des handliners, un
russe embauché sur le quai pour 30 dollars vient de les lâcher. Cela lui permettra
de voir le passage et de moins stresser sur Mateo ensuite. Mais cela ne commence pas
bien sur le trimaran: au prétexte qu'Henry (le skipper) ne parle ni espagnol ni
anglais, le pilote refusera, dans un premier temps, de faire passer le trimaran
(dans ce cas, la caution de 850 dollars saute !). Joëlle ira ensuite calmer Henry qui
engueule le pilote parce qu'il lui a interdit de fumer sur son propre bateau. Finalement,
après plusieurs heures d'attente, Rayon Vert s'engagera dans l'entrée du canal. Mais
la tension est au summum sur Rayon Vert ! Heureusement, le lendemain, la deuxième
partie du passage se passera beaucoup mieux.
Nous, nous passons une soirée "entre hommes" à bord de Mateo. Joëlle rentrera juste
à temps le dimanche matin, totalement crevée, et nous racontera sa traversée.
Mais aucun passage n'est identique et l'expérience des uns n'est pas forcément celle
des autres.
Enfin c'est notre tour. Le rendez-vous est fixé pour le dimanche soir. Il nous faut,
juste avant, retourner faire les papiers de sortie, quelques heures pour 3 bureaux
et 10 dollars supplémentaire… Mais il vaut mieux semble-t-il les faire ici
qu'à la sortie du Canal où le coût est de 24 dollars !
Le dimanche matin, un coup de fil nous fixe le rendez-vous avec le pilote à 16h30. Nous
espérons ne pas avoir à tourner en rond pendant 4 heures comme Rayon Vert, mais ce
n'est qu'à 18h40 que le pilote monte à bord.
Il n'est pas des plus charmants, et dès son arrivée nous demande de partir à fond
pour passer les écluses avec un bateau militaire qui attendait à coté de nous. Il
commence à faire nuit, et il faut se dépêcher car nous passons en même temps qu'un
cargo qui est déjà dans l'écluse, un autre suivant de près. Les moteurs de Mateo
n'ont pas l'habitude d'un tel régime et se mettent à chauffer. En ouvrant les trappes
des soutes cela va mieux, mais le moteur bâbord refuse de redémarrer, ce qui fait
que nous entrons dans l'écluse avec un seul moteur. Mateo arrive à marcher ainsi mais
lorsqu'il faut manœuvrer c'est plus problématique.
La première écluse montante se passe bien. On est amarré au bateau militaire qui lui
est le long du mur et doit donc seul régler les amarres. Le cargo devant nous fait
un gros remous lorsque les portes s'ouvrent mais nous sommes encore amarrés au bateau
militaire. A la deuxième écluse même chose: on revient se mettre le long du bateau
militaire et on monte sans problème: près de 9 m de dénivelé là aussi. Mais au moment
de repartir, le pilote nous fait larguer un peu tôt, un petit coup de marche arrière
met Mateo en travers, et avec les remous provoqués par le cargo et le bateau militaire,
il devient incontrôlable et part en crabe. Impossible de le redresser avec un seul
moteur, et nous venons heurter violemment la porte de l'écluse. Il faudra tendre une
amarre sur le quai pour nous redresser et repartir vers la dernière écluse
montante. Celle-ci se passe mieux, et le pilote nous dirige vers une bouée où nous
passons la nuit. Il est pressé de quitter le bateau, et notre mésaventure l'a plutôt
fait sourire: dans les écluses il préférait d'ailleurs la compagnie des militaires
du bateau voisin que la notre …
A peine est-il parti qu'un gros orage éclate. Le bateau est bien arrosé pour cette
première étape! Tout l'équipage se réunit pour se détendre autour d'un bon repas: des
toasts de pâté préparés par les enfants, puis un poulet au coco arrosé d'un petit
Bordeaux et pour finir un cake aux raisins. Les équipiers anglophones apprécient ce
repas français! Une petite séance de mécanique permet de remettre le moteur en ordre
de marche pour le lendemain, ce n'était qu'un mauvais contact électrique. Ce sera une
courte nuit car il faut être prêt à 6 h le lendemain pour accueillir le pilote du
deuxième jour.
Changement d'ambiance pour la suite heureusement: Gimmy est plus cool, c'est un
asiatique et il passera une partie de la traversée du lac de Gatún à sommeiller dans
le cockpit, en se réveillant juste aux moments où il faut changer de chenal. Après 5
heures de route, et après avoir traversé le Gaillard Cut, un endroit étroit où on
croise de jolis monstres de près, nous arrivons sous le nouveau pont Centenario, en
vue de l'écluse descendante de Pedro Miguel. Comme il n'y a pas de cargo prêt à
passer, nous serons seuls dans le sas. C'est royal, pas de remous, on est juste
amarrés le long du mur par 2 amarres qu'on lâche doucement. On se croirait à l'écluse
d'Arzal, en plus grand évidemment! 100 000 m3 d'eau lâchés rien que pour nous et
une descente tranquille de 9 mètres.
Un petit SMS envoyé au webmaster le prévient que l'on arrive aux derniers sas, car
il y a une webcam qui permet de voir les bateaux passer. Le pilote envoie même un
petit coup de Vhf pour que l'opérateur oriente la caméra sur nous: la famille nous
verra donc en direct sur Internet !
Les 2 dernières écluses, celles de Miraflorès, se passent aussi simplement que la
précédente, et c'est avec émotion que nous voyons s'ouvrir la dernière porte, celle
qui permet aux coques de Mateo de goûter à l'eau du Pacifique pour la première fois. Le
champagne était au frigo depuis un moment et tout l'équipage trinque pour l'occasion,
pilote compris.
Quelques miles plus loin, nous débarquons les équipiers au ponton du Balboa Yacht Club,
puis un bateau vient récupérer le pilote alors que nous nous dirigeons vers le
mouillage derrière l'île de Flamenco où nous attendent les copains de Rayon Vert, et
ceux de Ummagumma, un jeune couple suisse.
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